Dans le cadre de notre projet artistique annuel à l’Etablissement Pénitentiaire pour Mineurs de Meyzieu, nous avons eu l’immense joie de pouvoir jouer notre nouvelle création « En quête d’identité : des fil.le.s de notre temps » au Théâtre National Populaire de Villeurbanne devant une salle comble et captivée.
« SOLDAT : OUI CHEF ! LIEUTENANT ! A VOS ORDRES !
Je suis soldat et ça me plaît d’être soldat.
Qu’il neige, qu’il pleuve, jour et nuit, je suis toujours heureux d’être dans les rangs.
Ma vie a soudain retrouvé un sens. Je ne savais quoi faire de mon existence, j’étais désespéré de savoir ce que je pouvais faire de ma jeune existence. Le monde était vide de perspective et l’avenir mort. Il y a six mois le médecin a dit « Apte ». Trois mois plus tard une étoile argentée est apparue à mon col.
Je suis presque le plus jeune d’entre nous. Ce n’est qu’une apparence ».
Tout a commencé en avril dernier lorsque les comédiens du TNP sont allés rencontrer les jeunes détenus pendant une semaine d’ateliers. A l’issue de cette rencontre, les jeunes ont pu découvrir le spectacle Un fils de notre temps, mis en scène par Jean Bellorini, d’après l’œuvre de Ödön von Horváth lors d’une représentation organisée à l’EPM.
Puis d’avril à octobre, les comédien.ne.s du Lien Théâtre ont mené des ateliers avec les jeunes en s’appuyant sur l’adaptation faite par notre auteur, Matheo Alephis, du roman de Horváth. Au fil des ateliers, les jeunes se sont emparés et appropriés des personnages et des situations du spectacle grâce à de nombreuses improvisations enregistrées pour proposer leur propre version de l’histoire.
Un des jeunes détenus témoigne :
Moi j’aime le théâtre parce qu’on joue, on rigole. C’est sortir de la cellule, être avec des gens différents. C’est des moments d’humanité, on partage pleins de choses. Ce projet, ça m’aide aussi pour mon projet de sortie. J’aimerais bien inviter ma famille [à la représentation] comme ça elle me verrait comme une star ! [rire] Au début vraiment j’ai pas pris au sérieux, c’était pour rigoler, moi j’adore improviser. Mais après on m’a dit que j’allais aller dans un grand théâtre ! Si j’avais su, j’aurais été plus sérieux au début.
Fin octobre, lors de la semaine de résidence à l’EPM, le musicien Anthony Caillet, habitué du TNP, a rejoint l’aventure afin de composer, en immersion, la bande sonore du spectacle final avec son euphonium [instrument à vent à trois pistons de la famille des cuivres].
Un fils de notre temps de Ödön von Horváth Dans ce roman paru en 1938, l’écrivain décrit l’enrôlement d’un jeune homme qui n’a d’estime pour aucun individu, pas même pour lui. En quête d’une identité qu’il pense ne pouvoir acquérir qu’en s’incorporant à la masse, il intègre les rangs militaires et revêt, en même temps que l’uniforme, la dignité qui lui manque. |
En quête d’identité : des fil.le.s de notre temps est le fruit d’une réflexion portée par une trentaine de jeunes détenus autour de ce roman de 1938.
Avec cette adaptation, deux époques se confrontent autour d’une même histoire : celle d’un jeune homme devenu soldat car il ne savait pas quoi faire d’autre. Quelles sont les raisons qui poussent un jeune à se laisser prendre pas un système, par des idéologies meurtrières ?
Durant le spectacle, se mêlent des passages issus d’Un fils de notre temps réécrits par notre auteur, des scènes provenant des improvisations des jeunes et des enregistrements audios des histoires improvisées lors des ateliers à l’EPM.
C’est un véritable outil éducatif pour reprendre ça avec eux après. Par exemple la scène du père et du fils : : comment le jeune lui se positionnerait dans la vraie vie face à son père ? est-il d’accord avec le personnage qu’il joue ? Ça les force aussi parfois à se décaler de leur réalité, de ce qu’ils vivent et de se mettre dans la peau de personnages qui n’agissent pas comme eux le feraient dans la vie. Ça amène à la tolérance, à l’acceptation des opinions et idées des autres.
expliquent Morane et Yoan, éducateurs à EPM et comédien.ne.s dans le spectacle.
Pour clôturer ce projet artistique commun entre l’EPM, le TNP et le Lien Théâtre, une représentation exceptionnelle a été organisée le jeudi 4 novembre à 19h au Théâtre National Populaire de Villeurbanne devant plus d’une centaine de spectateur.trice.s conquis.es.
Sur scène, trois comédien.ne.s du Lien Théâtre (Melissa Tucker, Medhi Benyahia, Joël Prudent), deux éducateurs de l’EPM (Morane Garcia, Yoan Charnay), deux salariées du TNP (Juliette Kahn, Violaine Guillaumard), un musicien avec son euphonium (Anthony Caillet), un jeune détenu et un ancien jeune détenu de l’EPM.
Un immense bravo à tous les artistes pour leur travail et leur performance !
Un grand merci au Théâtre National Populaire de Villeurbanne pour cette belle collaboration artistique et humaine !
Merci à toute l’équipe de l’Etablissement Pénitentiaire pour Mineurs de Meyzieu de nous avoir donné l’opportunité de proposer ce type de projet artistique aux jeunes.
Enfin nous souhaitons remercier la centaine de personnes présentes lors de représentation pour leur standing ovation et leurs retours sur le spectacle.
Nous sommes très fières de cette création unique et authentique où les jeunes participants ont eu l’espace, la liberté et un public à l’écoute pour s’exprimer.
COTE PRESSE
Retrouvez ici l’article paru vendredi 5 novembre dans ActuLyon, ou les mots de Théo Zuili retracent notre travail à l’EPM ainsi que la représentation qui s’en est suivie. Un grand merci pour cette belle prise de parole !
Dramaturgie : Matheo Alephis
Mise en scène : Anne-Pascale Paris
Musique : Anthony Caillet
Lumières : Justine Nahon
Comédien.ne.s du Lien Théâtre : Medhi Benyahia, Joël Prudent et Melissa Tucker
Comédien.ne.s de l’EPM : Yoan Charnay, Morane Garcia et deux jeunes de l’EPM
Comédien.ne.s en charge des décors : Juliette Kahn et Violaine Guillaumard
Avec le soutien financier de la DRAC Auvergne Rhône-Alpes, la Région Auvergne Rhône-Alpes, le dispositif « Ville, Vie, Vacances » de la Préfecture du Rhône et la Caisse locale de Villeurbanne du Crédit Agricole Centre-Est.